Est-il opportun que mon enfant participe aux funérailles de son grand-père ? Mon enfant exprime l’envie de rendre visite à sa mère au cimetière, comment préparer au mieux la visite ? Et au final, pourquoi avons-nous développé des rituels funéraires, quelles fonctions remplissent-ils, et pourquoi est-il si important de proposer aux jeunes d’y être associés, et ce dès le plus jeune âge ?

L’éclairage de Catherine Le Grand-Sébille, socio-anthropologue de la santé, maître de conférences honoraire des universités, et Vice-présidente de l’association de chercheurs « Questionner Autrement le Soin. » Elle est notamment co-auteure de Accompagner (Erès, 2003) et de L’éthique à l’épreuve des violences du soin (Erès, 2014).

 

Convier à une rencontre avec l’invisible, l’indicible, l’irreprésentable ou l’absent

Parce que les rites funéraires créent des rapports sociaux entre les vivants et les morts non seulement au moment des cérémonies elles-mêmes, mais bien au-delà, il est sans doute regrettable de ne pas y associer les enfants et les adolescents. Utilisant des symboles, des signes collectifs, qui font sortir les participants de l’ordinaire, le rituel (ou le rite)[1] a la capacité de les convier à une rencontre avec l’invisible, l’indicible, l’irreprésentable ou l’absent. Encore faut-il que ceux qui se réunissent rendent leur esprit disponible à ce qui se déroule de manière relativement réglée et socialement transmise, même si une part d’improvisation et d’invention est toujours possible.

Mettre les émotions en scène, plutôt que de les refouler

Le rite s’appuie sur une logique symbolique qui met, en quelque sorte, les émotions en scène au lieu de les refouler. L’utilisation des symboles par les participants ( les gestes d’hommage, les fleurs – quand elles sont autorisées, les signes et insignes religieux etc.) tient de la représentation, donc d’une distance salutaire par rapport au vécu immédiat douloureux et qui ne peut être maîtrisé avec la raison. Le rite funéraire n’a pas à être adapté à l’enfant, et il peut y être acteur. C’est certainement nécessaire de lui expliquer pourquoi on fait ainsi, collectivement, et en quoi il est important qu’il soit là.

Se trouver impliqué dans l’histoire de tous, et de toutes les générations

Participer à une activité rituelle autour de la mort, c’est pour chaque individu – quel que soit son âge – être intégré à une action qui met en branle tout un groupe et où chacun se trouve impliqué dans l’histoire de tous, et de toutes les générations.

Un renouveau rituel dans notre période contemporaine

Soulignons que dans le renouveau rituel qui caractérise notre époque contemporaine, après quelques décennies d’un silence institutionnel sur les décès, d’une confiscation des défunts, du repli ravageur du chagrin sur le seul individu, d’innombrables mises en voix du deuil trouvent à s’exprimer. Ceci dans la littérature, ou par les supports numériques des réseaux sociaux, ces derniers étant particulièrement utilisés par les adolescents et les jeunes adultes, qui ont su de façon féconde renouveler la nécessité de la narration, du récit du tragique, et de les partager.[2]

Les rituels solidarisent l’humanité, dans un contexte d’hospitalisation massive en fin de vie et de psychologisation du deuil

Certes, des rites symboliques et sociaux ont disparu quand ils s’avèraient obsolètes, le regretter ou le déplorer ne sert à rien, et cette attitude passéiste reviendrait à nier la réalité sociologique de la vitalité sociale contemporaine. Avec l’hospitalisation massive en fin de vie et la psychologisation du deuil qui ont beaucoup contribué à éloigner les enfants de l’activité rituelle autour de la mort, il nous faut rappeler combien celle-ci solidarise l’humanité et combien l’« agir » rituel est au cœur du social.

 

[1] Pour qu’on puisse parler de rite, il faut : une conduite spécifique, prenant habituellement le corps comme support, liée à des situations et à des règles précises, donc codifiées, même si l’on admet une marge d’apports nouveaux, répétant quelque chose d’une autre conduite et destinée à être répétée. La ritualité suppose enfin une attitude mentale de l’ordre de la croyance, et de ce fait un certain rapport au sacré, même dans le cas de rites laïques. La minute de silence est un exemple simple et concret de ce que mobilise le rite. Ajoutons que si des pratiques symboliques s’inventent, elles n’existent comme rites que quand elles s’inscrivent dans une certaine répétition et dans une certaine fidélité à des règles.

[2] On peut en effet souligner comme le fait Martine Segalen le rôle majeur de la médiatisation liée aux nouveaux moyens de communication qui donnent un écho puissant aux rituels contemporains. Cf. Segalen M., Rites et rituels contemporains, chez Armand Colin, 2017.

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