Les soins palliatifs sont souvent associés, à défaut, à la fin de vie ou à l’agonie, voire à des représentations morbides ou mortifères. Or le travail des équipes est loin de résumer à une prise en charge de la douleur et des symptômes d’inconfort. Elles attachent également une grande importance au projet de vie du malade, à ses rêves et ses désirs. Loin d’être extérieur à ces dynamiques, l’enfant ou l’adolescent en soins palliatifs a lui aussi, malgré l’annonce, des souhaits à émettre et des projets à réaliser.

L’éclairage de Camille Reichling, psychologue clinicienne de l’Equipe Régionale Ressource Soins Palliatifs Pédiatriques PACA Ouest (Marseille).

 

 

Oser parler de la mort met souvent en exergue la vie

Les soins palliatifs sont souvent associés, à défaut, à la fin de vie ou à l’agonie. Ils peuvent être associés de plus à des représentations morbides ou mortifères, à des images de corps abimés et douloureux. Les équipes de soins palliatifs pédiatriques sont bien évidemment attentives à la douleur et aux symptômes d’inconfort. Néanmoins, leur travail ne se limite pas juste à cela. Elles proposent une prise en charge globale où l’enfant est au cœur de celle-ci. Pour ces équipes, il est ainsi indispensable de questionner l’enfant en premier lieu, puis sa famille, sur leurs besoins, leurs demandes et leurs désirs. Une annonce diagnostic avec un pronostic létal engagé vient nécessairement faire effraction dans la vie de cet enfant et de sa famille. Nos propos tendent ici à donner des repères concernant l’annonce médicale et son vécu par le patient et ses proches, ainsi que des préconisations pour accompagner l’enfant malade. D’ores et déjà, nous pouvons affirmer à la lecture des récits de l’enfant, qu’oser parler de la mort met souvent en exergue la vie.

L’annonce dans tous ces états

Lorsqu’il est question de soins palliatifs pédiatriques, l’annonce porte sur la « non-guérison », l’ « incurabilité » ou l’ « arrêt des traitements ».  Lors de la consultation médicale, le médecin annonce, en effet, rarement la mort.

Face à la brutalité inhérente de l’annonce, l’enfant et ses parents n’entendent la plupart du temps pas la même chose

Face à la brutalité inhérente de l’annonce, l’enfant et ses parents n’entendent la plupart du temps pas la même chose. Une personne va rester focalisée sur le ton du médecin alors que l’autre va répéter en boucle une partie de l’information. Nous savons que dans une consultation médicale, seul un pourcentage des informations médicales délivrées sera retenu par le patient. Lors de cet entretien, il est question de la communication verbale et non verbale, d’énoncé et d’énonciation, de la voix et du regard.

Donner l’information médicale, puis comprendre quelles informations le patient a entendu et comment elles font écho à son histoire de vie                  

Lors de l’annonce d’une mauvaise nouvelle, il y a toujours deux niveaux. Dans un premier temps, le médecin donne de l’information médicale. Il est alors question de ce qui a été dit et de quelle manière l’information a été relayée.  Dans un deuxième temps, nous pouvons interroger quelles informations le patient a entendu et comment ces informations peuvent être retranscrites dans son histoire de vie.

L’information doit être délivrée en respectant le rythme de l’enfant

Dans la situation pédiatrique, nous pouvons tout à fait interroger l’enfant sur son souhait ou non de participer à la consultation médicale, sur le niveau d’information qu’il souhaite obtenir et sur la personne qui doit l’informer. C’est effectivement un devoir d’informer le patient, mais l’information doit être délivrée en respectant le rythme de l’enfant. Laisser la possibilité de poser des questions directement au médecin peut rassurer l’enfant sur sa présence et sa disponibilité, ainsi que sur la peur de l’enfant qu’on lui cache quelque chose.

Le temps du sujet diffère du temps médical

Les parents, quant à eux, sont souvent inquiets de l’information qui va être délivrée à leur enfant. Ils peuvent verbaliser leurs craintes que l’enfant se laisse mourir suite à l’annonce d’un arrêt des traitements par exemple. Seulement, l’enfant la plupart du temps souhaite pouvoir parler de son vécu de la maladie et des traitements. Il demande parfois à mettre des mots sur des sensations corporelles ou sur ses ressentis. Il s’agit, en effet, souvent de nos propres peurs que nous lui projetons. L’enfant lui, selon son âge, peut aborder la question de la mort sans trop d’anxiété associée, mais avec d’autres inquiétudes qu’on n’aurait pas obligatoirement imaginées là.

Prendre en considération l’histoire de l’enfant malade et la confrontation ou non à d’autre(s) deuil(s)

La conception de la mort évolue avec l’âge de l’enfant. Il est nécessaire également de prendre en considération l’histoire de l’enfant malade et la confrontation ou non à d’autre(s) deuil(s).

Aborder le devenir de l’enfant avec lui et le laisser parler à ce sujet

Aborder le devenir de l’enfant avec lui, le laisser parler à ce sujet peut tout à fait être libérateur pour vous et pour lui. L’enfant éprouve ses propres émotions tout comme vous. Le discours de cet enfant illustre à la fois sa colère, l’injustice et son envie de vivre : « Je ne comprends pas, ma grand-mère se plaint tout le temps de douleurs, de lassitude… mais elle est vieille et elle vit ».

Même s’il vous a été dit que vous allez mourir, les désirs ne meurent pas.

C’est bien lorsque nous prenons conscience de notre mortalité, que nous cherchons le(s) moyen(s) de profiter de la vie. Les enfants évoquent avec enthousiasme leurs rêves d’ « aller à Disney », de « gravir la Tour Eiffel », d’assister à tel ou tel concert… Mais plus « sérieusement », et souvent quand la maladie vient se rappeler à eux, ils parlent de ces moments si importants pour eux : leurs moments de famille, les amitiés de l’école…

L’enfant ou l’adolescent a souvent peur pour ceux qu’il va devoir laisser

« Mais qu’en sera t’il quand je ne serai plus là ? », « Je suis inquiète pour mes parents… pour mon frère… Je veux qu’ils restent ensemble ». L’enfant, l’adolescent peut verbaliser le fait qu’il n’a pas peur de mourir, mais qu’il a peur pour ceux qu’il va devoir laisser. En ce sens, l’enfant peut s’ériger comme un petit héros du quotidien pour permettre de faire tenir quelque chose et va transmettre des messages à ses proches, à la fratrie notamment : « Promets-moi que tu vas réussir à l’école ». En ce sens, il remet l’attention sur son frère/sa sœur qui auparavant a pu signifier que lui/elle n’aurait pas pu être « aussi courageux », qu’il/elle a laissé « plus de place » à son frère, sa sœur malade auprès de leurs parents car il avait davantage de besoins. Les comportements de l’enfant peuvent avoir une fonction protectrice pour ses proches ou pour lui-même.  Lors de l’anticipation de la séparation, il est question de transmission, ainsi que de la trace laissée derrière soi. »… « Mes amis… peuvent-ils m’oublier ? ». L’enfant passe souvent par ses pairs pour venir questionner le fait qu’on puisse un jour l’oublier.

Entendre et questionner avec les parents ce qu’il se cache derrière ce projet de vie

Les « rêves » d’enfant peuvent très souvent se réaliser rapidement par rapport au temps chronologique,  en lien avec le temps qu’il reste. Pour autant, les parents ne sont pas forcément en capacité, financière et psychique par exemple, de réaliser tous ce qui passe par la tête de leur enfant. D’ailleurs, nous n’avons pas forcément à y répondre dans le réel, mais il est indispensable d’entendre et questionner avec eux ce qu’il se cache derrière ce projet. Il est en effet nécessaire, pour les professionnels, d’entendre quelque chose de leur demande, d’y extraire du sens, une signification…

Echanger avec eux autour de leur rêve, de leur vie, promet un beau moment de partage, peut-être est-ce la meilleure réponse à apporter à cette demande !