Pourquoi est-ce que personne ne parle dans la chambre ? Pourquoi mamie ne se réveille pas lorsque je lui rends visite ? Elle ne m’aime plus ? Pourquoi papy ne me reconnaît plus ? Pourquoi est-il si maigre ? On ne lui donne pas à manger ? La fin de vie d’un parent ou d’un proche est source de questions, souffrances et peurs pour les enfants comme pour ceux qui les entourent. Des pistes pour aider les adultes à réinvestir leur rôle de tuteurs de développement auprès des enfants dans ce contexte difficile.

LE REGARD DE Simon Gessiaume, psychologue clinicien à l’Unité de Soins Palliatifs de la Maison médicale Notre Dame du Lac (Rueil Malmaison).

Cacher de l’information ou mentir peut créer de l’angoisse chez l’enfant

Lorsque les enfants abordent les questions relatives à la fin de vie, les adultes pensent souvent que « moins l’enfant en sait, mieux il se portera ». Ce qui est totalement faux. On sait très bien qu’un enfant qui pose des questions, qui cherche à savoir, est finalement un enfant qui est prêt à entendre la réponse. Dans ce contexte, l’attitude qui tendrait à cacher l’information ou à mentir, viendrait au contraire créer de l’angoisse chez cet enfant. Ce qui ne peut être nommé s’exprimerait alors en retour sous forme de cauchemars, de mal être diffus, et/ou de somatisation.

Adapter les réponses en fonction du niveau de développement et de compréhension de l’enfant

L’attitude inverse qui consisterait à absolument tout dire à l’enfant, sans filtre, même ce qu’il n’aurait pas demandé ou cherché à savoir, peut être tout aussi délétère. Et c’est peut-être bien là la partie la plus difficile pour un parent. Jusqu’où peut-on s’avancer à dire les choses ? Comment expliquer à l’enfant ce qu’il n’est pas toujours en âge de comprendre pleinement ? Là plus qu’ailleurs, le travail de l’adulte va être d’accompagner l’enfant, au rythme de ses questions. Tout comme on nourrit un enfant avec des aliments adaptés à son âge, on proposera des réponses qui évolueront en fonction de son niveau de développement et de compréhension, afin de « nourrir » son corps psychique, sans jamais avoir à le gaver.

Les questions des enfants sur la mort et la fin de vie sont nombreuses et il est impossible de toutes les répertorier ici. Toutefois certaines thématiques se dégagent plus que d’autres.

Le changement d’attitude des adultes autour de lui surprend l’enfant

En premier lieu, ce qui surprend le plus un enfant, c’est le changement d’attitude des adultes autour de lui. Dès son plus jeune âge, l’enfant est extrêmement sensible à toute modification de sa « niche sensorielle » (Cyrulnik) « Pourquoi est-ce que personne ne parle dans la chambre ? Pourquoi mamie ne se réveille pas lorsque je lui rends visite ? Elle ne m’aime plus ? Pourquoi est-ce que maman s’isole pour pleurer lorsqu’elle rentre de l’hôpital ? ». Si l’adulte ne vient pas rapidement répondre à ces questions, soit parce que l’enfant ne les formule pas directement, soit parce que le parent est lui-même dans une souffrance qui l’empêche de les percevoir, l’enfant trouvera alors spontanément tout un tas de théories qui viendront y répondre. En fonction de son âge, et notamment à celui dit « de la pensée magique » (entre 3 et 6 ans) l’enfant pourra s’imaginer être responsable de tout ce qui se passe autour de lui : « Finalement, c’est à cause de moi si grand-mère est à l’hôpital car la semaine dernière j’ai été méchant avec elle… C’est pour ça que maman me parle moins… C’est pour ça qu’elle pleure dans sa chambre, etc. ». L’adulte doit donc être attentif, dans le discours de l’enfant, à tous les propos qui laisseraient penser qu’il puisse se sentir responsable de quoi que ce soit dans la maladie de son parent ou proche hospitalisé. « Ce n’est pas de ta faute si maman pleure. C’est juste qu’elle est très triste de voir ta mamie à l’hôpital. C’est pour ça que certains soirs, elle a besoin de laisser sortir sa tristesse… » Cette notion de culpabilité sera d’autant plus importante à rechercher que le parent hospitalisé est très proche affectivement de l’enfant.

Nommer la maladie dont souffre le parent ou proche en fin de vie, ainsi que les conséquences qu’elle implique

Il est également très important de nommer la maladie dont souffre le parent ou proche en fin de vie, ainsi que les conséquences qu’elle implique. Mettre en mot la maladie permet à l’enfant de se créer une première représentation et la différencier des autres, plus bénignes. « Pourquoi papy ne me reconnait plus ? Pourquoi est-il si maigre ? On ne lui donne pas à manger ? ». L’adulte pourra alors lui répondre : «  Papy a une maladie très grave, qui s’appelle le cancer. Les médecins ont essayé plusieurs traitements qui ne fonctionnent plus aujourd’hui. Cela veut dire qu’on ne peut plus le guérir… Bien sûr qu’on donne à manger à ton papy. Mais le cancer fait souvent maigrir les gens et leur fait également perdre l’appétit… ». Suivant l’âge de l’enfant, généralement à partir de sept ou huit ans, on pourra lui proposer, s’il le désire, de rencontrer le médecin ou un soignant qui répondra aux questions qu’il se pose et viendra compléter ce que ses parents lui auront déjà expliqué.

« Il n’existe pas de formule magique et chaque parent fera en fonction de ce qu’il peut faire et dire »

SIMON GESSIAUME, PSYCHOLOGUE

Être sincère dans notre réponse, sans chercher à dramatiser plus que nécessaire

Les questions autour de la douleur, comme « Est-ce que ça fait mal le cancer ? » ou bien « Est-ce que c’est douloureux tous ces appareils branchés sur mon papa ? » inquiètent généralement l’enfant. Là encore, il est important d’être sincère dans notre réponse, sans chercher à dramatiser plus que nécessaire. « Oui le cancer est une maladie qui fait souvent mal. C’est pour ça que ton papa reçoit des médicaments pour le soulager. Les appareils que tu vois autour de ton papa permettent justement cela : enlever la douleurTous les jours, l’équipe soignante réévalue ce qu’il faut lui donner… »

Les questions relatives à la mort appellent à des réponses honnêtes et sobres, empruntes de tact

Enfin, les questions qui bouleversent le plus les parents sont celles relatives à la mort en elle-même : « Est-ce que maman va revenir un jour à la maison ? » ; « Mais si on ne peut plus guérir le cancer, ça veut dire que ma maman va mourir ? ». La réponse des adultes devra être honnête, sobre, et emprunte de tact. « Non mon poussin, maman ne reviendra plus à la maison. Etant donné son état, elle ne serait plus vraiment bien ici… La maladie de maman est très grave et très avancée. Elle ne peut plus guérir. Oui, elle va mourir. Nous sommes tous extrêmement tristes mais nous sommes là, tous ensemble dans cette épreuve ».

Il n’existe pas de formule magique et chaque parent fera en fonction de ce qu’il peut faire et dire. Enfants, adultes, nous partageons tous ces mêmes angoisses. Si besoin, un professionnel pourra vous recevoir afin de vous aider à cheminer sur ces questions.