Introduction

Plus de 500 000 jeunes de moins de 25 ans en France sont aidants d’un proche malade ou en situation de handicap ; pourtant, la littérature s’y consacrant reste balbutiante. Leur vécu, notamment celui des situations de fin de vie et de décès du proche aidé, reste peu connu. Ainsi, l’objectif principal de cette étude était d’explorer la manière dont les jeunes adultes aidants (18-25 ans) vivent le deuil du proche aidé, à travers une étude qualitative.

Méthodologie

15 jeunes adultes aidants endeuillés ont été recrutés dans les réseaux de la SFAP et associations, puis ont été interrogés. Parmi eux, 13 étaient aidants d’un parent, les deux autres d’un grand parent. La plupart des personnes aidées étaient atteintes d’un cancer. En moyenne, ces jeunes adultes aidants avaient perdu leur proche depuis 3 ans. 15 entretiens semi-directifs ont été menés par une psychologue chercheuse en présentiel et par visio-conférence dans le but d’explorer comment se sent le jeune depuis le décès de son proche. Après une retranscription complète et un codage de chaque entretien, une analyse thématique de contenu a été réalisée.

Le vécu subjectif de l’expérience de deuil

Les jeunes adultes aidants interrogés font le récit du vécu psychologique singulier de leur expérience de deuil avec de multiples émotions et ressentis, comme de la tristesse, du stress, de la colère ou encore de la peur. Divers sentiments ont également été évoqués comme un sentiment de vide, de manque, de culpabilité ou de soulagement. Les participants expliquent également avoir eu plusieurs cognitions et pensées comme le fait d’avoir du mal à réaliser le décès du proche par exemple, et soulignent la mise en place de différentes stratégies d’ajustements pour faire face à la perte du proche comme le déni, l’évitement ou encore le fait de lâcher prise.

Des facteurs facilitateurs dans le processus de deuil

Le vécu de cette expérience de deuil soulève différents questionnements et réflexions, relatifs à la dimension occultée du deuil et par rapport au regard des autres sur la situation. Des réflexions rétrospectives sur le rôle de jeune aidant ont également été mentionnées tout comme la place des croyances et des représentations dans le vécu du deuil. Les jeunes adultes aidants exposent aussi certains facteurs facilitateurs dans leur processus de deuil comme faire de ce qu’il s’est passé une force pour le futur ou instaurer des moments en lien avec le défunt dans le quotidien.

L’entourage et le soutien perçu après le décès du proche

L’ensemble des jeunes adultes aidants de cette étude soulignent l’importance de percevoir un soutien de qualité suffisante dans le cheminement de leur deuil. Ils évoquent le soutien de leur famille ainsi que la dynamique familiale depuis le décès d’un de ses membres, le soutien de la part des pairs, partenaires amoureux, professionnels de la santé mentale qu’ils jugent individuellement de qualité suffisante ou non.

La mise en place d’un nouveau quotidien

Au cours de la période d’aidance, les participants déclarent avoir dû centrer leur vie autour de celle du proche malade. Une fois le décès de ce dernier, les jeunes indiquent devoir recentrer leur quotidien sur eux. Les témoignages relatent différentes manières de procéder, comme le fait de prendre un nouveau départ dans le but de s’éloigner de la situation initiale tout en poursuivant leur scolarité ou leurs études. Recentrer son quotidien sur soi signifie également la reprise d’une activité sportive ou de loisirs, d’une vie sociale, la mise en lien avec des groupes de pairs ou des associations, tout en maintenant la création de projets futurs.

Un nouveau quotidien non sans difficultés

Néanmoins, cette mise en place d’un nouveau quotidien ne se fait pas sans difficulté. En effet, des difficultés d’ordre relationnel sont mises en avant par les participants comme le fait d’avoir du mal ou de ne pas parler du deuil aux proches et de percevoir un soutien insuffisant ou inadapté, associé à l’invisibilité à la fois sociale et médiatique d’être un jeune aidant et/ou un jeune aidant endeuillé. Les jeunes adultes aidants interrogés soulignent des difficultés plus générales dans leur quotidien comme le fait de vivre d’autres évènements difficiles en parallèle (deuils, traumatismes, etc).

Conclusion

Cette étude permet d’apporter des premiers éléments de réponse concernant l’expérience de deuil des jeunes adultes aidants. Les différents éléments cités par ces jeunes reflètent à la fois la littérature pré-existante sur le deuil des aidants adultes, mais également celle sur le processus de deuil chez les jeunes et celle portant sur l’orphelinage précoce. La mise en place d’un nouveau quotidien semble constituer l’une des singularités de la perte du rôle d’aidant combiné aux spécificités d’être en deuil quand on est un enfant, un adolescent ou un jeune adulte.Il apparaît important de poursuivre l’exploration du vécu des situations de fin de vie et de décès des jeunes aidants, afin de renforcer le travail de repérage de ces jeunes dans le but de leur proposer un accompagnement adapté à leurs besoins.