Un enfant en soins palliatifs est, comme tout enfant, dans la vie. Il est donc envisageable qu’un enfant, suivi pour une pathologie menaçant sa vie, demande à retourner à l’école. L’accueil de cet enfant, pour que cette scolarité puisse s’intégrer dans un projet de vie aidant et soutenant, doit être pensé entre corps enseignant et corps soignant. Les Equipes Régionales Ressource en Soins Palliatifs Pédiatriques (ERRSPP) peuvent aider dans cette organisation afin que chacun y trouve du sens.

L’éclairage de Nadine Robert, infirmière et coordinatrice de l’Equipe Régionale Ressource Soins Palliatifs Pédiatriques PACA Ouest (Marseille).

 

 

Une envie d’aller à l’école et de retrouver ses pairs fréquemment exprimée

Une étude réalisée entre 1991 et 1996 dans un centre lyonnais, montrait que sur 30 enfants âgés de 5 à 16 ans, suivis pour un cancer réfractaire, 18 d’entre eux (60%) avaient manifesté un réel désir de scolarité jusqu’à un stade avance de l’évolution de leur maladie. Pourquoi un enfant ou un adolescent en soins palliatifs aurait-il envie d’aller à l’école ? Et quel sens cela aurait pour ses parents, les enseignants ou encore les autres élèves de la classe ? Dans notre expérience de soignants en ERRSPP, nous retrouvons des dynamiques similaires, à l’exception de l’enfant ou de l’adolescent qui n’aime pas ou n’a jamais aimé l’école. Dans ce cas, l’école peut alors aussi être lieu de socialisation, où l’enfant a plaisir à se retrouver avec ses pairs.

Pour les enfants :

Une vie dans la norme : l’école, pour l’enfant, fait partie intégrante de son quotidien. Dans le contexte de pathologie lourde menaçant la vie, la scolarité devient alors un ancrage dans la réalité qui permet une mise à distance de la maladie. A ce titre elle permet aussi de sortir de chez lui, de son domicile où l’angoisse ressentie peut être lourde.

Voir les copains : continuer à aller à l’école c’est pouvoir voir ses amis, jouer à la récréation, être dans l’échange.

Faire : la maladie et les soins leur impose souvent beaucoup de contraintes, alors aller à l’école c’est être actif, continuer à apprendre et combattre l’ennui.

Pour les adolescents :

Normalité : dans cette période particulière de la vie, l’école peut devenir, en plus du lieu des apprentissages, le lieu de la normalité, le lieu où il redevient un adolescent comme les autres, dans son groupe de pairs. Garder le lien avec leurs amis est souvent au cœur de leurs demandes.

Prendre de la distance : aller au collège ou au lycée, c’est aussi s’autonomiser des parents tandis que la maladie les rend souvent dépendants.

Vivre : la scolarité leur permet aussi de se changer les idées et de garder la possibilité de faire des choses sources de plaisir et de continuer à se projeter dans une vie future, une vie d’adulte, même s’ils ne sont pas dupes.

Pour les parents :

Normalité : la poursuite de la scolarité aide à sortir des préoccupations médicales et à reprendre ou se réapproprier leur rôle d’éducation et de protection à l’inverse de la maladie et de la menace de la vie qui les laisse impuissants. C’est aussi maintenir un rythme de vie essentiel et rester au temps présent pour se protéger de l’intolérable vérité.

Projets : poursuivre la scolarité, c’est respecter la demande de leur enfant et s’investir dans des projets différents pour combler ce temps à vivre quel qu’il soit et le rendre riche d’envies et de réalisations.

Se faire aider : les parents ont besoin de construire avec les professionnels de l’enfance un projet adapté à leur enfant pour poursuivre les apprentissages.

Répit : les savoir à l’école peut permettre de s’octroyer du temps de répit pour eux-mêmes tout en autorisant aussi leur enfant à exister sans eux.

Pour les enseignants :

Acharnement pédagogique ? Il est évident que cela ne doit pas être une scolarisation à tout prix où l’enseignant se retrouve seul, il est primordial de mettre tout le monde « en sécurité » et réfléchir ensemble aux possibilités. Un enseignant n’est en effet pas un soignant, ni l’inverse.

Projet : On doit penser un projet centré sur l’enfant ou l’adolescent avec ses particularités, ses envies et ses limites. Se mettre au diapason de la volonté de ces élèves pas tout à fait comme les autres.

Maintenir son rôle : Une fois pensée, la poursuite de la scolarisation, c’est aussi permettre aux enseignants de rester dans leur rôle de transmission, ce qui est la demande des enfants et des adolescents.

Investissement : ces situations si particulières viennent également mobiliser la part émotionnelle des enseignants et font appel à l’investissement humain de chacun avec, bien souvent, un sentiment de travail bien fait, une façon d’accompagner ce qui fait vie pour ces élèves où l’objectif scolaire peut être objectif de vie.

Pour les autres élèves de la classe :

Réalité : être confronté à ces situations c’est prendre conscience de la différence, du handicap et de la mort et pouvoir en parler pour se construire en tant que futur citoyen.

Altruisme : être en contact avec un camarade de classe malade, diminué, fragile, permet également de développer leur altruisme et leurs capacités à penser, à élaborer, au-delà de leur propre personne.

Parler : Ces situations permettent aussi à tous, en fonction de chaque âge, de s’ouvrir à la possibilité de questionner l’enseignant sur leurs propres peurs et leur vécu.

Fratrie : Il n’est pas rare que la fratrie de l’enfant ou l’adolescent soit scolarisé dans le même établissement, cela peut être pour lui un lieu de partage de son vécu

Entre normalité, distance face à la maladie, moyen de poursuivre des projets de vie, possibilité de maintenir son rôle ou se confronter à la réalité, le sens de la poursuite de la scolarité des enfants et des adolescents est un fait. Si tel est son choix, l’enfant va investir cette scolarité et la construction, en coopération, de ce projet de vie a un sens profond, celui de maintenir ce qui fait vie. Il faut néanmoins garder en tête que ce sont des situations très particulières qui sont difficiles pour tous.